Intermède : « Tessons de soleil couchant… » d’Avrom Sutzkever

Andrew Goodall (Mursejlerne)
Andrew Goodall (Mursejlerne)

Tessons de soleil couchant — douce grêle
le temps sur ma langue a goût de folie.
Pierre je tourbillonne et tombe
dans l’abîme
où je cherche mon salut.

Dans ma chute je prie l’oubli
de noyer ma mémoire dans la glaise.
Au fond du gouffre je gis
dans un nid tendre de roses
lové dans les anneaux
reptiliens du rêve.

Des langues de serpent lapent ma mémoire
étouffent toute odeur
éteignent toute couleur
la lame de la nuit
tranche une artère
ouvre les vannes
par où suinte le temps.
Ma pensée ne peut
se libérer d’elle-même.
Sous les cendres de la vie éteinte
scintillent — débris
de l’image divine —
le visage de ma mère
son fichu fleuri
et ses yeux deux flammes de bougie.

[…]

Fléau intouchable d’une balance
oscillement sans fin
sur un des plateaux le monde à l’envers
et moi crucifié sur une porte
sur l’autre — l’éclat d’une larme.

Le monde grouille d’hommes
et ne sait ce qu’est l’homme
mais la larme unique
qui dit la mort fait pencher
le fléau de la balance.

Avrom Sutzkever, Ghetto de Vilna, octobre 1942, extraits des Trois roses, traduction de Rachel Ertel

2 réponses sur « Intermède : « Tessons de soleil couchant… » d’Avrom Sutzkever »

  1. Delphine Backer

    Cherchais un texte D’Avrom Sutzkever pour lire ce samedi.
    Trouvé ici des merveilles sensibles.

    Si le coeur vous en dit je vous invite à vous joindre de vive voix,
    Ce samedi 1er Juin,
    Un tapis de poésie, Place Séverine, au Pré St Gervais (93310) à 14h30 et 16h…

    Pour que vive la poésie.

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