et quand tu écriras ne regarde pas le temps
tu l’as vu se lever le temps – comme s’il était libre
le temps pierreux – chaînes aux pieds – s’arrêter à la nuit
dans la geôle où coule
l’abandon La lampe basse de l’heure a camouflé
les étoiles sous la neige Le temps
dort dans son cachot La lune
– encore accoudée au bord de la fenêtre –
lui radote sa vieille histoire ressassée
ses idées-araignées
salies par la clarté
aux embrasures L’instant demande :
dis-moi la vérité sur l’amour
et vient l’art de la joie Le soleil de pierre je le taille
le soleil de bois je le fais brûler Le soleil de bronze
il sourd sous le gong Et quand tu écriras
le soleil n’aura rien à dire Il ne sait pas
parler à la neige – jusqu’au dernier flocon
il la perd
dans le lac d’un arrière-pays que personne
ne connaît et qui s’appelle la mort
cette nuit j’ai vu marcher le temps comme s’il était un homme
le temps comme s’il était vivant avait blanchi ma vue
– sais-tu ce que j’ai fait ? –
je l’ai remis entre deux gardes Ce siècle noir
fait mien – barricadé derrière
la porte – il est à présent
le plus pur prisonnier des nuages et il s’appelle
la foudre
il existe une cérémonie pour l’enterrer
tu le reconnaîtras cet ermite entre les grains du papier
[…]
Sylvie-E. Saliceti, Et quand tu écriras, La Porte, 2015
C’est magnifique, merci pour cette découverte, d’autant qu’en ce moment je suis plus que jamais en quête de poètes à découvrir.